Quel rapport existe-t-il entre l’Etoile du Leff de Boqueho, l’US Dax, le regretté Michel Hidalgo, disparu il y a tout juste un an, et Julian Alaphilippe ? A priori aucun, si ce n’est qu’ils ont tous été lauréats, à des degrés divers, à des Prix du Fair-Play décernés chaque année par l’AFSVFP (Association Française pour un Sport Sans Violence et pour le Fair-Play).
Mais, le beau geste est moins vendeur que les dérives en tous genres du sport spectacle dont les gazettes sont si friandes, surtout lorsque ces dernières ne demandent pas beaucoup d’énergie pour les dénoncer. De plus, ces Trophées ne concernent bien souvent que des seconds couteaux. Du coup, aucun média ou presque ne fait l’écho de ces récompenses éthiques. Pas plus la grande presse nationale que les stations de radios ou les chaînes de télévision. Seule la PQR (presse quotidienne régionale) relate dans ses colonnes ces petits ou grands gestes qui honorent leurs auteurs.
Le divorce a débuté en 1998. Cette année-là, l’Association, présidée alors par André Catelin, a eu l’outrecuidance de décerner sa plus haute récompense à un certain Aimé Jacquet. L’Equipe, à l’époque en froid [et c’est un doux euphémisme] avec le sélectionneur des Bleus tout juste champions du monde de football, décide de boycotter le palmarès de l’association. Si la bible des sportifs n’en parle pas, c’est donc que le sujet ne présente aucun intérêt. Elémentaire mon cher Watson ! Pourquoi pas après tout : chacun est libre de choisir ses centres d’intérêts.
Qatar 2022, la face immergée
Le vrai problème est que les méga scandales qui gangrènent le sport restent pour l’essentiel inconnus des lecteurs, auditeurs et téléspectateurs. Ainsi, ils peuvent continuer de prospérer ! La Coupe du Monde de Football 2022 au Qatar et ses milliers d’ouvriers morts sur les chantiers de ses stades n’est que la face immergée de l’iceberg. Qui sait réellement où se trouve l’argent ponctionné par les grandes organisations internationales lorsqu’elles vendent à prix d’or leurs compétitions à des états suffisamment complaisants pour accepter de signer sans sourcilier des contrats léonins ?
Car au-delà du contribuable, ce sont les pratiquants et les fans, cochons de payant, qui alimentent un système dont une grande partie des protagonistes ont trouvé refuge, comme par hasard, en Suisse. Le pays est réputé pour la qualité de son… air ! Le bas de laine gagné à la sueur du front des athlètes se retrouvera, comme par hasard, bien à l’abri des regards indiscrets dans ces paradis fiscaux. Mais, là où je m’étrangle, c’est lorsque ces mêmes organisations non gouvernementales s’approprient le Fair Play afin de se donner bonne conscience. C’est peut-être surtout pour attirer à elles des sponsors soucieux de s’acheter une nouvelle virginité en associant leur image à une si noble cause. Le sport.
Et dans l’histoire que devient cette AFSVFP (1) dont personne (ou presque) ne parle, me direz-vous ? Rassurez-vous aux dernières nouvelles, elle continue sa mission, avec les moyens du bord, en espérant que des entreprises éthiques comprendront l’intérêt qu’elles ont de s’associer à une démarche qui, pour le coup, est totalement désintéressée. On peut toujours rêver !
© SportBusiness.Club Avril 2021
(1) dont l’Assemblée Générale s’est tenue le 25 mars dernier.
François Artigas est romancier et journaliste spécialisé dans les médias et le sport. Il a travaillé plusieurs années à Télécâble Sat Hebdo et Télé Obs. Il vient de signer son cinquième livre : Jour de chance au Palace.