Mi-septembre, la députée, Danielle Simonnet, a déposé une Proposition de loi (PPL) visant à responsabiliser les clubs pour mettre fin à l’homophobie dans le sport. L’idée est d’employer la manière forte pour une tolérance zéro.

Tout part d’un constat d’échec patent. En l’occurrence, comme il est expliqué dans l’exposé des motifs, « les infractions LGBTphobes sont en constante hausse ces dernières années »avec une augmentation annuelle moyenne de 15 % pour la période 20162023. « Si ces discriminations existent à tout niveau de la société, les milieux sportifs n’en sont pas exemptés, poursuivent les députés. Ces dernières années, les enceintes sportives sont devenues des zones de non droit où insultes racistes, antisémites et homophobes sont proférées librement et où les violences ne sont pas réprimées comme elles le devraient. Elles sont ainsi devenues la norme dans les stades et enceintes sportives, le monde du football étant le plus touché. Malgré la signature de chartes et la prise d’engagements, les acteurs du sport n’imposent pas les valeurs de respect et de fraternité que la pratique sportive doit véhiculer. »

A cela s’ajoute un vide juridique, pointé par Danielle Simonnet et les promoteurs de la proposition de loi : « Les actions pénales qui sont menées par les associations sont sans incidence sur les poursuites disciplinaires dont doivent faire l’objet les clubs. En effet, si ces associations peuvent déposer des plaintes devant les juridictions répressives, elles ne peuvent, en revanche, contraindre les fédérations et les ligues sportives à sanctionner disciplinairement les clubs. »

« La sécurité comprend l’absence d’insignes et de chants incitant à la haine ou à la discrimination »

Et ce, au mépris de la jurisprudence. Dans son avis du 29 octobre 2007, le Conseil d’État (CE) a, en effet, posé un principe clair : les clubs doivent tout mettre en œuvre pour qu’aucun incident ne survienne lors des rencontres sportives.Ce qui induit leur responsabilité disciplinaire en cas de désordres imputables à leurs supporters. « L’article 129 des règlements généraux de la Fédération Française de Football impose aux clubs de football, qu’ils soient organisateurs d’une rencontre ou visiteurs, une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité dans le déroulement des rencontres, confirme le CE. Le club organisateur est ainsi tenu d’assurer la police du terrain et de prendre toutes les mesures permettant d’éviter les désordres pouvant résulter, tant avant, pendant, qu’après le match, de l’attitude de ses dirigeants, des joueurs ou du public. Le club visiteur est, quant à lui, responsable de l’attitude de ses dirigeants, joueurs et supporters. Il est, en particulier, responsable des désordres imputables à ses supporters à l’occasion d’une rencontre. La méconnaissance de ces dispositions peut faire l’objet de sanctions disciplinaires de la part de la fédération, notamment de sanctions pécuniaires comme en l’espèce. Il appartient alors aux organes disciplinaires de la fédération, après avoir pris en considération les mesures de toute nature effectivement prises par le club pour prévenir les désordres, d’apprécier la gravité des fautes commises et de déterminer les sanctions adaptées à ces manquements. »

Parce que les associations de supporters font fi de ces injonctions, « l’obligation de résultat consacrée par le Conseil d’État doit être codifiée afin de lutter efficacement contre toute forme de violence dans les stades et enceintes sportives », justifient les parlementaires. Concrètement, il est indispensable que la notion d’obligation de résultat soit inscrite dans le texte. De même, il importe que celle de sécurité soit clairement définie et élargie afin de comprendre non seulement ses dimensions traditionnelles, à savoir le bon ordre, la sûreté, la tranquillité et la salubrité publique, mais également l’absence « d’insignes, de signes, de symboles, de chants ou de propos incitant à la haine ou à la discrimination ».

« Les obligations citées s’analysent en une obligation de résultat »

A la clef de ce double impératif, une PPL à article unique. Dans une première partie, elle rappelle classiquement les devoirs de chacun pour prévenir ce genre de dérives. Il est, en effet, dit que « les organisateurs de manifestations sportives à but lucratif assurent un service d’ordre afin de garantir la sécurité et le parfait déroulement des rencontres. Ils assurent, notamment, la police du terrain et prennent toutes mesures permettant d’éviter les désordres pouvant résulter, tant avant, pendant qu’après le match, de l’attitude de l’ensemble du public, y compris les supporters du club adverse. Ces mesures doivent, notamment, permettre d’assurer le bon ordre, la sûreté, la tranquillité et la salubrité publiques. Elles doivent également empêcher l’exposition de tout insigne, signe ou symbole, ainsi que tout chant ou propos incitant à la haine ou à la discrimination. Le club visiteur ou jouant sur terrain neutre est notamment responsable, à l’occasion d’une rencontre, de l’attitude de ses supporters et, ce faisant, des désordres imputables à ceux-ci. »

Le changement de paradigme vient, dans un second temps, à la lecture de cette phrase qui, comme prévu, change la donne : « Les obligations citées aux quatre premiers alinéas s’analysent en une obligation de résultat. » En toile de fond, un risque de sanction fortement majoré, l’objectif avoué étant de sévir : « Pour tout désordre engageant la responsabilité des clubs organisateurs et visiteurs, il appartient aux organes disciplinaires de la fédération, après avoir pris en compte les mesures de toute nature effectivement mises en œuvre par le club pour prévenir les désordres, d’apprécier la gravité des fautes commises par lui et de déterminer les sanctions proportionnées à ces manquements. » Et de spécifier que « pour tenir compte de cette obligation de résultat, les règlements disciplinaires (…) sont précisés par des décrets en Conseil d’État pris après avis du Comité national olympique et sportif français ».