Le Directeur général de la Fédération française de football (FFF) détaille l’arsenal que l’instance est en train de déployer, en lien étroit avec les pouvoirs publics, afin que les directeurs du jeu puissent officier sereinement sur les terrains.
Question générique : comment faire pour que l’intégrité physique et morale des arbitres de football ne soit plus menacée comme elle l’est aujourd’hui ?
C’est un sujet de préoccupation fédérale. Le Président de la Fédération, Philippe Diallo, a, souligné l’importance qu’il revêt et la solidarité indéfectible que nous devons au corps arbitral. Il importe, en collaboration avec les ministères de la Justice et de l’Intérieur, que la protection renforcée, instaurée par loi du 23 octobre 2006 portant diverses dispositions relatives aux arbitres, donne sa pleine mesure. Rappelons que ce texte fait de ces derniers des collaborateurs de service public. Cela doit emporter des conséquences concrètes tant sur le plan pénal que de manière préventive.
Concrètement par quoi cela passe-t-il ?
Il faut, quand des plaintes sont déposées, quand des signalements sont effectués, que cela soit une priorité de politique pénale. Dans le même temps, nous travaillons avec le ministère de l’Intérieur à des mesures qui seront déployées tant au niveau national que départemental pour mieux protéger les arbitres et mieux traiter les alertes. Ces mesures feront l’objet d’une convention nationale et de déclinaisons départementales systématisées. Des formations de la Direction générale de la Police nationale (DGPN) aux usages des réseaux sociaux seront déployées tandis que le traitement prioritaire des alertes en cas d’incident sera organisé aussi bien en zone de police que de gendarmerie. Par ailleurs, la surveillance des domiciles ou lieux de travail des arbitres menacés sera facilitée. Autre point, un traitement prioritaire, par le logiciel dédié de la Police et de la Gendarmerie nationales, des appels et des signalements effectués par les arbitres ou leur environnement. A la clef, une intervention rapide des pouvoirs publics sur le lieu de vie ou d’exercice professionnel en cas de risque ou de menace. Ce sont des actions et dispositifs très concrets qui traduisent l’engagement fédéral et celui du ministre de l’Intérieur.
« Sensibiliser les préfets à la nécessité de contractualiser avec les districts »
Quand cet arsenal sera-t-il effectif ?
Ce protocole national va être déployé d’ici la rentrée prochaine en collaboration avec le ministère de l’Intérieur. Il impliquera aussi bien la Police que la Gendarmerie nationales. Il sera, en outre, décliné au niveau départemental sous forme de conventions nouées entre les présidents de district et les préfets. Ces dernières concerneront aussi bien la sécurité des arbitres que, plus largement, la prévention des violences sur le terrain. Le ministre de l’Intérieur demandera aux Préfets, quand elles n’existent pas encore, de signer avec les Présidents de district de la FFF les conventions départementales qui seront adaptées aux spécificités locales.
Qu’est-ce que la Fédération peut faire intuitu personae ?
Philippe Diallo a demandé au Directeur de l’arbitrage, Antony Gautier, sous la coordination du membre du Comex en charge de l’arbitrage, Pascal Parent, de présenter, en juin, un plan fédéral renforcé. Qu’il s’agisse de nouvelles règles de jeu ; de l’explicitation des barèmes de sanctions ; des dispositifs de prévention des incidents comme la dotation des districts en caméras portables dont seront munis les arbitres ou les installations d’enregistrement et de captation des incidents en bord de terrain pour dissuader et identifier ; de la formation des arbitres à la gestion des situations conflictuelles ; de l’initiation des scolaires à l’arbitrage et au rôle des officiels ; de la responsabilisation des capitaines dans le dialogue avec l’arbitre… : ce plan sera large et volontariste.
« Nous sommes favorables à des sanctions individuelles »
Quid du volet strictement disciplinaire ?
On est là dans une démarche de renforcement et d’explicitation des sanctions individuelles et des sanctions sportives. Aucune agression d’un arbitre ne doit demeurer impunie. Y compris sur le plan pénal quand les actes relèvent d’une telle qualification. La Fédération est donc engagée dans une action globale.
Parallèlement, vous avez été désigné par le ministère des Sports pour siéger à la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives. Quelle position y défendez-vous ?
Celle exprimée par les Fédérations, laquelle est claire : Les sanctions individuelles, en particulier des interdictions administratives, judiciaires et commerciales de stade après avoir identifié les supporters fautifs, doivent être privilégiées. Les associations de supporters doivent être mieux sensibilisées et formées. Elles doivent être des interlocutrices responsables. En France, le nombre d’interdits de stade est notoirement inférieur à celui des pays européens abritant un championnat majeur. C’est anormal. Pour ce qui est des mesures collectives (dissolution de groupes de supporters, fermeture d’une tribune, interdiction d’un déplacement etc.), ce sont nécessairement des constats d’échecs. C’est pourquoi elles ne doivent être que l’exception. Si le comportement d’un groupe est réellement et systématiquement problématique, dans ce cas, les mesures de dissolution peuvent se justifier. Les stades ne sont pas des zones de non-droit. La responsabilité individuelle doit pouvoir s’appliquer avec rigueur. Et, si une organisation, de fait ou constituée, ne poursuit pas d’autre but que de créer des situations violentes et souvent discriminatoires alors des mesures collectives doivent aussi être mobilisées.
Alexandre Terrini