La nouvelle présidente de l’Association française du corps arbitral multisports (AFCAM), élue pour quatre ans le 29 novembre et précédemment secrétaire générale, s’inscrit dans l’héritage de ses prédécesseurs tout en étant désireuse de moderniser l’instance. Avec une ligne directrice : la valorisation tous azimuts de l’arbitre.

Quels sont les principaux écueils auxquels sont confrontés les arbitres ?
Ce qui est de plus en plus présent et violent dans notre société, c’est leur invisibilisation. C’est d’ailleurs là notre premier cheval de bataille. Concrètement, il y a beau avoir des commissions d’arbitrage dans les fédérations et, depuis la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France, systématiquement un ou une arbitre (ou un binôme mixte) élu au sein de leur
comité directeur, on ne travaille pas, pour autant, sur l’image de l’arbitre comme vecteur du vivre ensemble, de la citoyenneté et de l’apprentissage de la règle. Ce qui, dans un contexte de crise du bénévolat, n’est pas sans conséquences, sachant que sur les 240 000 arbitres français, il y en a à peine 350 dont c’est le métier. On a parfois le sentiment que les fédérations n’ont toujours pas compris que s’il n’y a pas d’arbitres, il n’y a pas de compétitions. Il faut donc les protéger. Tant qu’il n’y aura pas de prise de conscience à ce niveau-là, nous n’arriverons pas à en recruter davantage, notamment des femmes, ni à en former massivement ni à véritablement les protéger. Demain, il sera extrêmement difficile d’attirer de nouveaux publics et de rajeunir les cadres.

Concrètement, que faudrait-il faire ?
Encore une fois, une prise de conscience politique de la valeur et de l’importance du rôle de l’arbitre au sein des organisations est indispensable. Or, cela reste un public dont on ne s’occupe pas vraiment. Il n’y a, par exemple, quasiment jamais de salarié qui leur est dédié au sein des fédérations. De même, le budget affecté à leur formation et au développement de la fonction d’officiel est souvent minime. Il faudrait, au contraire, investir un capital humain et financier dans ce domaine. Sans compter l’absence de campagne de valorisation du rôle de l’arbitre. Cela se répercute dans les clubs où l’on ne propose quasiment jamais spontanément d’être arbitre, sauf quand il faut boucher un trou. Il est essentiel de faire passer le message que l’arbitre n’est pas celui qui est mauvais ou blessé. Si la fonction d’arbitre était véritablement valorisée comme quelque chose de gratifiant, qui permet d’acquérir des compétences et des connaissances, pour certaines transférables dans le monde de l’entreprise, ce serait différent. Il faut rappeler que l’arbitre a un rôle citoyen, ne serait-ce que dans la mesure où il est au service du jeu et de sa discipline. Il est essentiel au bien-être commun. C’est un peu comme les policiers et les gendarmes : nous sommes les premiers à nous en plaindre quand ils nous arrêtent, mais aussi les premiers à les applaudir quand ils interviennent au Bataclan.

« Il est indispensable de sanctuariser le rôle de l’arbitre »

Quels sont vos autres chevaux de bataille ?
Faire connaître l’AFCAM. Certes, 100 % des fédérations affiliées au Comité national olympique et sportif français (CNOSF) en sont membres. Cependant, beaucoup ont du mal à s’emparer de nos problématiques, mais aussi à s’approprier les solutions transversales que nous proposons. D’où la nécessité d’entamer un vrai travail de communication pour expliquer qui nous sommes, la valeur ajoutée que nous apportons, et enfin l’héritage que nous incarnons, sachant que nous allons fêter cette année notre quarantenaire. Nous voulons dynamiser notre image. Nous avons en particulier l’intention de nous rendre davantage dans les écoles, les clubs et les fédérations pour parler de l’Association.

Quelles sont ses missions, au demeurant ?
Outre la défense et la valorisation du statut de l’arbitre vis-à-vis des pouvoirs publics et des acteurs du sport, elle consiste à mettre en commun les problématiques et les bonnes pratiques en matière d’arbitrage. Dans ce cadre, nous avons rénové et rédigé un tronc commun, autrement dit, une formation transversale aux softskills de l’arbitrage. Elle s’adresse à des officiels en devenir et est toujours dispensée à un public issu de différents sports. Ce partage de bonnes pratiques est destiné à les faire évoluer et à progresser. En revanche, et j’insiste sur ce point, nous n’intervenons pas dans la formation technique des arbitres, laquelle est de la compétence des fédérations auxquelles ils sont rattachés. Notre champ à nous se limite à la mission arbitrale, à la communication ainsi qu’à la gestion du stress et de la pression. Or, plus nous évoquons cette dernière avec des officiels issus horizons divers, plus nous faisons avancer la savoir-être de l’arbitre. C’est aussi une manière de pallier quelque peu le défaut d’investissement des fédérations.

Quid des violences physiques et verbales dont sont l’objet les officiels ?
Tant que l’on ne prendra pas conscience de l’importance de leur présence sur le terrain tous les week-ends, on ne prendra pas non plus conscience des violences dont ils sont victimes de la part des spectateurs, des parents, des entraîneurs et des joueurs. Et, in fine, ce sera un frein majeur à leur recrutement. Il est indispensable de sanctuariser le rôle de l’arbitre.

Souhaiteriez-vous que l’arsenal législatif soit encore plus coercitif ?
Non, pas pour l’instant. On peut toujours réclamer plein de choses au niveau législatif, mais nous sommes déjà bien couverts par la loi du 23 octobre 2006 portant diverses dispositions relatives aux arbitres et celle du 2 mars 2022. Nous sommes quand même l’un des seuls pays au monde à avoir un statut de l’arbitre qui soit consacré dans la loi. Maintenant, c’est aux acteurs du sport de protéger les arbitres et d’être plus accueillants à leur égard, ne serait-ce que pour enrayer la crise des vocations. En ce qui concerne l’AFCAM, nous sommes vraiment là pour pousser tous les sujets sans exclusion auprès des fédérations et leur rappeler qu’elles doivent soutenir et accompagner les arbitres dès lors qu’ils sont victimes de violences, par exemple en se portant partie civile à leurs côtés. Elles ont également vocation à les former à reconnaître toutes les formes de discrimination dont ils peuvent être l’objet, ou qui seraient le fait d’un sportif lors d’un match qu’ils arbitrent. Pourtant, c’est typiquement le
genre de sujet qui n’est jamais abordé.

« Le fair-play est l’une des causes prioritaires que nous défendons »

Sur le plan disciplinaire, les fédérations sont-elles suffisamment répressives ?
Pas toutes. C’est très disparate. Certaines ont pris le problème à bras le corps comme au football et au rugby. D’autres n’ont mis en place qu’en 2024 un dispositif de recensement des incidents susceptibles de déboucher sur une saisine de la commission de discipline. De toute façon, ce n’est jamais assez. Dans la plupart des cas, les arbitres ne sont pas suffisamment
soutenus. D’ailleurs, ils n’osent pas forcément dénoncer les choses de peur, ensuite, de ne plus être désignés pour diriger des matchs. Il est impératif de mobiliser des moyens humains et financiers pour traiter l’ensemble des violences qui leur sont rapportées, notamment au niveau local et qui font l’objet de procédures. Il est donc essentiel que dans les ligues et les comités, il y ait une personne qui s’occupe des arbitres et qui assure leur tutorat tout en remontant les divers incidents qui se sont produits. Cela induit une réelle prise de conscience des fédérations. L’AFCAM travaille en ce sens en rencontrant des politiques, des président(e)s de fédérations, tout en allant porter la bonne parole dans les instances arbitrales de chaque sport. Mais il faut que cela redescende au niveau local afin que les arbitres soient au fait des réalités et sachent ce qui est mis en place. La première pierre de l’édifice, c’est d’informer.

La justice, elle, fait-elle preuve de la fermeté requise ?
Oui, elle fait son travail mais encore faut-il, pour cela, déposer plainte !

Qu’est-il prévu pour le 40 e anniversaire de l’AFCAM, lequel sera célébré en juin prochain ?
Nous voulons en faire le point d’orgue pour découvrir les travaux de l’AFCAM en faveur du corps arbitral et ne pas limiter notre discours à la dénonciation des violences et des discriminations. Nous ne sommes pas un syndicat. Les pouvoirs publics, mais aussi énormément de fédérations, s’appuient sur nous. Nous faisons office de relais.

Quels sont vos liens avec le Comité français du fair-play (CFFP) dont l’AFCAM est, au demeurant, membre ?
Il faut d’abord dire que le fair-play est l’une des causes prioritaires que nous défendons. Nous sommes là pour faire respecter la règle, certes, mais c’est avant tout pour favoriser le vivre ensemble ainsi que la défense des valeurs citoyennes et des droits humains. Cela explique que nous ayons beaucoup de points communs avec le CFFP.