La 5 e Convention nationale de prévention des violences dans le sport s’est tenue, le 12 novembre, à Paris. L’occasion de se livrer à un état des lieux de cette tendance qui gangrène, à des degrés divers, toutes les disciplines.

Les Fédérations au cœur du réacteur

Président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), David Lappartient a tenu à redire que « la lutte contre les violences dans le sport s’incarne d’abord par l’action quotidienne des fédérations, des acteurs territoriaux qui ont pris la mesure du défi et renforcent, année après année, leurs stratégies de prévention ». Ce sont en effet ces instances qui sont les fers de lance de ce combat sans relâche, a confirmé Jean Zoungrana, vice-Président du CNOSF, en charge du Mieux vivre ensemble : « L’action de nos fédérations est déterminante puisque l’ensemble d’entre elles s’est engagé à la fois dans la mise en place d’outils de signalement, de procédures disciplinaires, du contrôle de l’honorabilité et d’actions de formation et de prise charge des victimes. »

La Stratégie nationale de prévention contre les violences

Son action, en la matière, comme celle de l’ensemble des instances, est régie par la Stratégie nationale de prévention contre les violences dans le sport, initiée, en 2020, par le ministère des Sports. Ce plan transversal a été déployé par la Direction des sports en direction de l’administration centrale, des services déconcentrés, du mouvement sportif et des associations
spécialisées.
Il repose sur plusieurs piliers :

  • le contrôle de l’honorabilité des encadrants d’activités physiques et sportives ;
  • le traitement des signalements de violence ;
  • la généralisation des plans de prévention ;
  • la formation des encadrants et le développement d’outils de sensibilisation.

La cellule Signal-Sports aux avant-postes

Crée en décembre 2019, Signal-Sports est la cellule nationale de traitement des signalements de violences dans le sport. Elle coordonne les procédures administratives menées par les services départementaux du ministère (préfets etc.) afin de les éclairer, au terme des enquêtes menées, dans leur prise de décision d’écarter de manière temporaire (en cas d’urgence) ou
définitive les personnes mises en cause pour des faits graves de violence commis par des personnes dans le milieu sportif. Pour chaque signalement reçu, elle engage les procédures qui s’imposent en partenariat avec diverses institutions (fédérations sportives, établissements publics sportifs comme l’Insep, les Creps etc.) et les services de police et de justice ainsi que le 119 et le 3018 spécialisés dans la protection de l’enfance.
A noter qu’à l’image des associations d’aide aux victimes de violences, toute personne peut écrire à Signal-Sports, qu’elle soit victime, témoin ou qu’elle ait eu connaissance d’une situation de violence, mineure ou majeure, qu’elle soit pratiquante à titre amateur ou à haut niveau.

Gil Avérous

Les plans de prévention pour faire évoluer les pratiques

Le ministère des Sports coordonne l’action de ses réseaux et les accompagne dans la mise en œuvre d’actions de prévention des violences afin d’impulser un changement de culture. Pour ce faire, il s’appuie sur :

  • 80 référents « lutte contre les violences » dans les fédérations, agents de l’État exerçant les
    missions de Conseiller technique sportif (CTS) ;
  • 31 référents dans les établissements sous la tutelle du ministère (Insep, Creps).
  • 13 référents dans les services régionaux de l’État (Délégations régionales académiques à la
    jeunesse, à l’engagement et aux sports – Drajes et Direction de la Cohésion Sociale, du
    Travail, de l’Emploi et de la Population – DCSTEP) ;
  • Des associations partenaires bénéficiant d’un soutien financier pour la mise en place de
    projets, par exemple pour épauler les victimes.

Par ailleurs, d’ici la fin de l’année, l’ensemble des fédérations devra disposer d’un plan de prévention, celui-ci étant une condition du renouvellement de leur agrément par le ministère.
Ce référentiel a pour visées de :

  • travailler sur l’éthique sportive en sanctionnant et en prévenant les dérives ;
  • intégrer la connaissance des droits des athlètes et les devoirs des encadrants ;
  • former aux méthodes d’entraînement respectant l’intégrité physique et morale des athlètes ;
  • travailler sur le rapport au corps et à la question des gestes interdits ;
  • développer un langage commun entre acteurs du sport, éducatifs et de la protection des
    personnes ;
  • encourager les dispositifs d’aide à la reconstruction des victimes par le sport.

Marie-Amélie Le Fur

Des chiffres alarmants

Au 30 septembre, d’après les statistiques de la cellule signal-sports, en 2024 :

  • 396 personnes ont été mises en cause (dont 89,5 % d’hommes) dans 392 affaires (soit 33 %
    de plus qu’en 2023 à la même période) ;
  • 66 % de signalements portent sur des violences à caractère sexuel et 34 % sur des faits de
    violences psychologiques, morales et psychiques ;
  • 30 signalements concernent des structures de haut niveau (pôles et centres de formation de
    clubs professionnels) dont 50 % pour des faits de violences sexuelles ;
  • 81 % des personnes mises en cause sont des éducateurs sportifs (40 % professionnels et
    41 % bénévoles)
  • 93 signalements ont été transmis au Parquet ou ont fait l’objet d’un dépôt de plainte ;
  • 49 fédérations sportives sont concernées par des signalements en 2024.
  • 73 % des victimes sont de sexe féminin, 71 % des victimes étaient mineures au moment des
    faits et 33 % avaient moins de 15 ans, toujours au moment des faits.

Améliorer l’arsenal existant

Ces statistiques inquiétantes traduisent indubitablement l’ampleur du fléau. Elles sont une invitation à améliorer l’arsenal existant pour l’éradiquer. Le tout dans une démarche interministérielle et en faisant le lien entre la stratégie de traitement des signalements et de prévention dans le sport et la stratégie globale de prévention des violences concernant les mineurs.

C’est tout le propos de Fabienne Bourdais, Directrice des Sports et déléguée ministérielle à la lutte contre les violences. « Aujourd’hui, nous disposons d’un dispositif législatif et réglementaire plutôt robuste, admet-elle. Le sujet qui doit nous nous mobiliser sont les dysfonctionnements qui voient une personne ayant été l’objet d’antécédents judiciaires qui ont conduit à une incapacité d’exercer se retrouver néanmoins en situation d’encadrer. Cela veut dire qu’à un moment donné, le travail n’a pas été fait, notamment que l’employeur n’a pas vérifié la carte professionnelle. »

En outre, ajoute Fabienne Bourdais, les modus operandi en interne ne sont pas toujours optimaux : « Il convient de rappeler qu’à l’origine, les règlements disciplinaires des fédérations n’ont pas été faits pour traiter ce type de sujet. La question est de savoir comment les faire évoluer. Certaines fédérations sont encore mal organisées sur le plan disciplinaire et ne savent pas faire Il est donc nécessaire d’améliorer la formation des commissions de discipline quant au traitement de ces sujets et d’insister sur l’indépendance des personnes qui les constituent. On constate parfois un manque de transparence de leur fonctionnement. Parfois, elles sont saisies, parfois pas et quand elles l’ont été, on ne sait pas si des suites ont été données au signalement. Sans compter le fait qu’il y a parfois beaucoup une confusion entre ce qui relève de la commission de discipline et ce qui relève de la commission d’éthique. »

Alexandre Terrini

Frédéric Malon et Fabienne Bourdais

L’Office des mineurs, un précieux bras armé

La 5 e Convention nationale de prévention des violences dans le sport a permis de procéder à la signature d’une convention entre le ministère des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative et l’Office mineurs (Ofmin), lequel fait partie de la Direction nationale de la Police judiciaire. Son principal objectif est la lutte contre toute les violences, notamment d’ordre sexuel, commises au préjudice des mineurs. L’occasion, pour Frédéric Malon, sous-Directeur de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance spécialisée à la Direction nationale de la Police judiciaire, d’insister sur « la complémentarité entre les missions du ministère de l’Intérieur et celui des Sports au service de la protection de l’enfance ».
Ce partenariat repose sur deux axes :

  • Tout d’abord, un enjeu opérationnel dans la mesure où il y a un intérêt à ce que l’Ofmin soit aussi destinataire des signalements effectués auprès de la cellule Signal-Sports et entrant dans son champ de compétence, en sus de ceux transmis par les Procureur de la République. Cette information rapide permettra à l’Office d’apporter son expertise et de proposer son soutien en vue de mener l’enquête et de rechercher d’autres victimes.
  • Un enjeu de sensibilisation puisque l’Office jouera un rôle de conseil auprès des fédérations sportives en charge des enquêtes administratives. Il pourra, en outre, mener des actions de sensibilisation auprès des professionnels et des bénévoles au contact d’enfants notamment, là encore, pour les aider à identifier d’éventuelles victimes.

Que veut faire le ministère ?

Mona Pantel, chargée de la prévention des discriminations au ministère des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative, a précisé les quatre principales visées de ce dernier. En l’occurrence, :

  • construire des outils et des contenus de sensibilisation et de formation au regard des besoins qui sont remontés du terrain. Sachant que lesdits outils sont renouvelés pour correspondre aux attentes et aux nouvelles thématiques. « Au début, on parlait beaucoup des violences sexuelles alors que maintenant, on est sur l’ensemble des violences, notamment la posture des encadrants », précise Mona Pantel.
  • Identifier les associations (de victimes et autres…) et les experts (spécialistes des violences numériques, du racisme…) de ces thématiques pour bâtir ces outils de manière conjointe et collaborative.
  • Former les personnels à la prévention des violences et aux enquêtes administratives en particulier lors de déplacements au sein des Drajes.
  • Aider à l’élaboration et coordonner les plans de prévention des violences dans les Fédérations et les établissements.

Dans ce contexte, le ministère a conçu, à l’intention de l’ensemble de ses cadres, en particulier en régions, une formation de deux jours sur la posture des encadrants. Celle-ci débouche sur la délivrance d’une Attestation universitaire d’enseignement complémentaire (AUEC). Elle comprend divers éléments pédagogiques, des résolutions de dilemmes, un quizz ou encore, l’élaboration d’un Violentomètre etc. « Il s’est agi de construire une formation qui part du principe que les intéressés sont de futurs éducateurs et non de futurs agresseurs potentiels, décrypte Anne-Laure Duong, chargée d’ingénierie de certification à la Direction des Sports du ministère. On est là dans un principe de confiance axé sur des leviers de comportement positifs, en partant de cas concrets. »

Jean Zoungrana

Le handisport dans l’œil du cyclone

C’est, hélas, avéré : les personnes en situation de handicap sont plus fortement exposées aux violences et autres abus. La probabilité de l’être pour ces enfants est ainsi 2,6 fois supérieure que pour l’ensemble des enfants en population générale. Un ratio qui atteint 4,6 pour les femmes atteintes d’un handicap.
Pour remédier à ces drames, le Comité paralympique et sportif français (CPSF) s’est rapproché du secteur spécialisé et à signé, en 2024, une convention avec l’association France Victimes, notamment pour que les victimes puissent être accompagnées au mieux. Plus largement, sa politique repose sur trois priorités : prévenir les violences, protéger les victimes et sanctionner.

-> « La prévention peut s’appuyer à la fois sur un programme dédié – le Règlo’Sport, un outil qui permet d’identifier les situations problématiques, que l’on soit directement concerné ou témoin – et des sessions de sensibilisation à destination de l’ensemble de l’Équipe de France paralympique, pour les cadres comme pour les athlètes », explique Marie-Amélie Le Fur, Présidente du Comité paralympique et sportif français (CPSF). Pour qui « cette stratégie montre son efficacité. Elle permet de faire émerger des situations problématiques qui restaient jusque-là inconnues du CPSF, des fédérations ou du ministère des Sports ». Et de rappeler que « la faible féminisation de l’équipe de France est en partie due à un environnement qui peut se révéler parfois malveillant ».

-> Pour ce qui est de la protection des individus, des référents violences ont été formés et missionnés au sein du Village paralympique et au Club France lors des récents JOP. A cela s’ajoutent le déploiement de l’outil digital Safer au Club France ainsi que la création de safe zones afin que les victimes potentielles puissent accéder à des ressources pour les aider.

-> Enfin, il s’agit de garantir la certitude de la sanction. C’est pourquoi, quand le CPSF est en responsabilité lors d’évènements auquel il participe ou qu’il en organise, « il lui revient d’écarter les individus qui commettent des actes répréhensibles et, le cas échéant, de les sanctionner, insiste Marie-Amélie Le Fur. C’est le sens du renforcement des Règles d’engagement, le document que signe tout membre de la délégation paralympique et qui rappelle les règles et les sanctions applicables. »